Une création sans ostentation

S’il m’est arrivé d’écrire ici une ou deux chroniques quelque peu piquantes, voire un tantinet moqueuses ; aujourd’hui, je voudrais rendre hommage à un slogan qui sévit depuis déjà un an, celui de l’enseigne La Halle :

Les Française > La Halle

… qui possède la rare qualité d’être en même temps fédérateur et intelligent. Si l’on s’était contenté d’un sobre (triste et désuet) « La Halle habille les Françaises », le sens aurait été le même, c’est à dire que La Halle se serait définie comme une enseigne en mesure d’habiller toutes les femmes, et qu’elle aurait également représenté une espèce de symbole de la France et du style français. Mais le résultat, lui, aurait été bien différent. En s’adressant directement à sa cliente potentielle, en lui parlant à elle au lieu de plaider pour elle-même, la marque emprunte là un ton optimiste, léger, gai et valorisant, destiné à un large public. Sans prétention, cette formule positionne avec précision une marque qui s’adresse en toute simplicité à une cible qui n’attend qu’une chose : qu’on la comprenne et qu’on l’aime.

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En outre, ce qui n’était qu’une entité commerciale devient un individu, capable de sentiments, de jugement, et même de prendre position en risquant de provoquer le désaccord. Bon,  j’admets que dans ce cas le risque est faible…

La fête c’est maintenant !

Publicité, communication, les messages véhiculés par tous les médias auxquels nous avons accès offrent souvent une réflexion sur notre époque. Ainsi en va t-il de celui de Monoprix, hyper simple, malin et pétillant :

Vivement Ok

Pour beaucoup d’entre nous, l’avenir est bouché ; et penser à demain génère plus d’angoisse que d’espoir. Les parents se font du souci pour le futur de leurs enfants et les jeunes ne s’en font même plus, résignés qu’ils sont à des lendemains atones. Dans ce quotidien que d’aucuns qualifieraient d’anxiogène, l’enseigne nous fait une proposition qu’elle n’est pas la première à formuler. Du genre : « Si tu veux te faire du bien, c’est maintenant que ça se passe ; et tu serais sacrément benêt d’attendre demain ». On l’aura tous compris, en plaidant pour cette forme de plaisir décomplexé, Monoprix nous incite à une consommation au quotidien sans mauvaise conscience. Un retour à l’univers insouciant de notre enfance.

https://www.youtube.com/watch?feature=player_detailpage&v=dI2W738Rwog

Mais par sa légèreté, par sa proximité de ton avec le langage de tous les jours (comme si ce « Vivement aujourd’hui » était une petite phrase joyeuse qu’on se lancerait entre collègues avant d’attaquer la journée), je crois que ce slogan est encore plus juste qu’il ne le laisse paraître.

Souvenons nous que Monoprix – enseigne tendance qui surfe sur une alimentation plus haut de gamme que les grandes surfaces et un prêt-à-porter à prix quasi discount – est un vestige de ceux que l’on appelait les « magasins populaires ». Entre le grand magasin du pauvre et le bazar classe, les magasins populaires sont aujourd’hui nommés « magasins multi-commerces ».

Le tournant urbain-branché de Monop’ a été pris à l’époque où Prisunic (hé oui, ces sacrés Prisunic qu’avec notre langage d’ados, fleuri et impitoyable, nous appelions « magasins de vieilles ») est devenu Monoprix. Là, tout doucement, la marque s’est modernisée et l’offre s’est adressée à un public plus large, puis plus select (ou vu par lui-même comme tel). Aujourd’hui, Monoprix domine le marché des multi-commerces de manière arrogante ; et si les points de vente sont si bien implantés et perçus dans les centres-villes, c’est que l’ADN est toujours là et qu’ils sont, malgré leur positionnement très étudié, restés les magasins du coin de la rue. Ce que véhicule très bien, je pense, ce « Vivement aujourd’hui ».

Daft Punk est partout

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Décidément, en ce moment, le casque est à la mode ! J’ai pris, avec mon smartphone, cette photo d’une PLV dans une boutique spécialisée en aspirateurs. D’une part, parce que le casque semble être en train de devenir l’emblème de ce début d’année ; d’autre part, parce que nous sommes en droit de nous poser de sérieuses questions sur la pertinence de certaines créations publicitaires. Le sens, on l’aura compris : « achetez un aspirateur hyper puissant et on vous offre une montre pour que vous puissiez constater le temps que vous avez gagné ». Bien. Mais au delà, que fait cette jeune femme accoutrée de la sorte ? N’y aurait-il pas eu un autre moyen de formuler ce message ?

Outre le fait qu’en 2014 un utilisateur d’aspirateur reste une utilisatrice, pourquoi porte t-elle une petite robe moulante ? Peut-être le publicitaire qui a conçu cette image craignait-il qu’on la prenne pour un homme (un homme ?! qui passe l’aspirateur !?) ? Peut-être souhaitait-il également montrer qu’on peut passer l’aspirateur tout en restant sexy ? Autre scénario : la jeune femme passe vite fait un petit coup d’aspirateur avant de sauter sur sa moto pour rejoindre son amant dans un luxueux hôtel. Un autre élément me trouble : pourquoi cette évocation des sports mécaniques dans un univers électroménager qui – plutôt que la graisse et la tôle – tente d’évoquer le bien-être, la sécurité et la technologie ? Pour moi, un aspirateur doit être silencieux, ce qui n’est malheureusement que rarement le cas d’une moto. En un mot comme en cent, je trouve que le concept a été pensé à la va vite, et qu’à part le message de base, il est profondément confus, voire dérangeant.

Et justement, ce message, revenons-y. Cet aspirateur possède-il une telle puissance qu’il puisse nous faire gagner tant de temps ? Maintenant, on pourrait passer l’aspirateur en courant (ou à moto) ? En communication au sens large, et dans ce cas précis en publicité, les métiers créatifs demandent de la… créativité, ça va de soi, mais aussi de la rigueur, et pour cet exemple, de l’exigence. Ce n’est pas parce qu’on pond un concept rigolo qui génère une image décalée qu’on aura bien fait son boulot.

L’image accroche…

Je ne voudrais pas paraître trop mauvaise langue, mais ça fait toujours plaisir d’être reconnu par ses pairs.

Depuis quelques mois, j’utilise la signature « l’image séduit, le mot convainc ». Récemment, alors que je faisais un peu de veille, je me suis retrouvé sur le site d’une agence web avec qui j’ai travaillé jusqu’à ce qu’un différend nous sépare. L’agence présentait une nouvelle page « conception-rédaction ». Or quelle ne fut pas ma surprise de lire « l’image accroche, le texte convainc ». J’avoue avoir été très flatté de constater que ces excellents ex. partenaires (ou l’inverse) avaient utilisé ma phrase à peine détournée, même si j’aurais préféré qu’on me passe un petit coup de fil avant…

Alors je conclurai par une phrase très célèbre et dans le domaine public depuis longtemps : méfiez-vous des imitations.